Handicap, une première en France. La MDPH de Vendée condamnée pour faute.

Publié le par Le blog de ma ville solidaire - La Roche-sur-Yon

La MDPH de Vendée, a été condamnée pour faute ayant entrainé un préjudice moral et financier, devra verser 15 000 € aux parents de Jean-Marc MULLER.

Jeudi 13 juin 2013, après plus d’un an de procédure et sept ans de combat pour faire valoir les droits de leur fils, Nadine et Roland MULLER, Parents de Jean-Marc MULLER, ont accueilli avec soulagement la décision du Tribunal du Contentieux de l’Incapacité des Pays de la Loire.

Par délibéré du 9 avril 2013 et prononcé du jugement le 13 juin 2013, le Tribunal dit que la MDPH de Vendée a commis une faute dans la prise en charge de Jean-Marc MULLER et la condamne à 15 000 € en réparation du préjudice subi par Monsieur et Madame MULLER, plus les intérêts capitalisés à la date du 25 mai 2012, et 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de la procédure civile.

Rappel des faits

Jean-Marc MULLER est un jeune homme lourdement handicapé décédé le 22 décembre 2012 à l’âge de 29 ans. Il était totalement dépendant pour l’ensemble des actes de la vie quotidienne et nécessitait une surveillance constante 24h sur 24.

Malgré des textes clairs et précis, la MDPH de Vendée n’a jamais évalué justement et dans le respect de ses droits les besoins de Jean-Marc, lui refusant depuis 2006, date de mise en place de l’institution, le bénéfice de l’aide humaine dont il avait besoin.

En 2006 : la MDPH octroie 3 h d’aide humaine par jour et seulement 5 jours par semaine. Alertés par la famille, Joël SARLOT, Député et Conseiller Général se déplace au domicile de la

famille. Abasourdi de l’aberration de la décision de la MDPH, constatant lui-même la situation réelle du handicap de Jean-Marc, il intervient. La famille obtient une nouvelle décision quadruplant la première : 12 heures d’aide humaine par jour.

De 2006 à 2011, la MDPH de Vendée reconnait un besoin de 12h d’aide humaine pour la réalisation des actes essentiels de la vie quotidienne et 0 h de surveillance.

En 2011, la MDPH de Vendée revoit l’évaluation des besoins de Jean-Marc à la baisse en lui retirant 3 h d’aide humaine quotidienne, ne lui accordant plus que 9 h d’aide chaque jour, et toujours 0 h pour la surveillance.

En décembre 2011, accompagnés par l’APF, les parents de Jean-Marc font entendre leur désarroi auprès de Bruno RETAILLEAU, Président du Conseil Général de Vendée.

Reçus par la collaboratrice directe de Bruno RETAILLEAU, Nadine et Roland MULLER expliquent la réalité des besoins de Jean-Marc et sollicitent une intervention du Président du Conseil Général de la Vendée au titre de l’article D.245-58 du code de l’action sociale et des familles :

« Le Président du Conseil Général peut à tout moment procéder ou faire procéder à un contrôle sur place... en vue de vérifier si les conditions d'attribution de la prestation de compensation sont ou restent réunies...»

Il était évident qu’une simple visite au domicile du jeune homme permettrait à la MDPH de prendre conscience de ses erreurs manifestes quant à l’évaluation des besoins de Jean-Marc.

(voir la correspondance jointe de Monsieur et Madame MULLER à l’issue de cette rencontre)

Le 26 décembre 2011, Jean-Christophe PARISOT alors Sous-Préfet de la région Languedoc-Roussillon, en charge de la mission de cohésion sociale et Égalité des Chances écrit à Bruno RETAILLEAU pour lui indiquer que la MDPH a accordé une aide humaine sans procéder à une évaluation conforme aux textes légaux de la prise en charge des personnes lourdement handicapées. Il sollicite son intervention pour trouver une solution durable, cohérente et adaptée. (voir courrier joint) 

Le 31 janvier 2012, pour la première fois en 6 ans, un médecin du Conseil Général de la Vendée rencontre Jean-Marc MULLER pour évaluer ses besoins. Cette rencontre a lieu au domicile de la famille en présence des parents de Jean-Marc, de son frère, de sa sœur et du médecin qui le suit depuis de nombreuses années.

Cette visite est une révélation pour les professionnels de la MDPH qui concluent :

« L’état de dépendance est total pour tous les actes de la vie quotidienne avec un besoin de surveillance » et « Il a pu être mis en avant que la prise en charge de monsieur est totale et se fait souvent en binôme, même avec des intervenants extérieurs »

En février 2012, sur la base de l’évaluation réalisée par le médecin du Conseil Général, la MDPH reconnaît finalement un besoin d’aide humaine pour les actes essentiels de la vie quotidienne et la surveillance à hauteur de 23 heures par jour.

Excédés de ne voir reconnue la réalité des besoins de leur enfant qu’au terme de 6 années d’un combat épuisant contre une MDPH sourde à toutes les demandes de recours amiables formées, à toutes leurs alertes sur les erreurs manifestes d’évaluation des besoins de Jean-Marc, Nadine et Roland MULLER décident d’attaquer la MDPH pour faire reconnaître la faute de l’institution devant un Tribunal, le 22 mai 2012.

Ce combat est pour Jean-Marc, leur enfant, mais aussi pour tous les autres : toutes ces personnes lourdement handicapées qui sont ignorées, méprisées dans leur réalité par la MDPH de Vendée.

Mise en cause de la MDPH de Vendée

Le recours indemnitaire formé par Monsieur et Madame MULLER vise à faire reconnaître l’illégalité des décisions successives prises par la MDPH de Vendée, décisions entachées d’irrégularité ayant conduit à un préjudice et de nature à engager la responsabilité de la MDPH à l’encontre de Monsieur et Madame MULLER.

L’illégalité des décisions découle du non-respect de l’article L 146-8 du code de l’action sociale et des familles qui dispose « L’équipe pluridisciplinaire se rend sur le lieu de vie de la personne soit sur sa q propre initiative, soit à la demande de la personne handicapée »

Or une telle visite n’a eu lieu que 6 ans après la première demande, et après l’intervention du Président du Conseil Général de la Vendée Bruno RETAILLEAU.

A la suite de cette visite domiciliaire, la MDPH reconnait la nécessité d’une présence constante jour et nuit auprès de Jean-Marc, et évalue le besoin d’aide humaine à hauteur de 23 h par jour. Or l’état de Jean-Marc n’a jamais évolué entre 2006 et 2012.

Ces décisions successives irrégulières ont privé Jean-Marc et sa famille du bénéfice de la prestation de compensation du handicap dûment appréciée.

Le déni de la MDPH de l’aide constante nécessaire à Jean-Marc, apportée avec amour par ses parents, a causé un important préjudice moral, au-delà du préjudice financier conséquent.

Position Monsieur Sicard, Directeur de la MDPH de Vendée qui représente la MDPH lors  de l’audience du 9 avril 2013.

L’audience publique se tient le 9 avril 2013 sur Nantes.

La Délégation Départementale de l’APF a publié un article sur son blog le jour même (voir en annexe)

Lors des débats, le Directeur de la MDPH s’interroge sur le bienfondé de cette réclamation au motif qu’il s’agit d’une première en la matière.

Il ne pense pas que les équipes de la MDPH aient commis des fautes dans le traitement de ce dossier. Il ne comprend pas pourquoi la MDPH pourrait être poursuivie.

Il s’accorde cependant à constater qu’il n’y a pas eu d’évolution de la situation de Jean-Marc MULLER entre 2006 et 2012.

Il déclare n’avoir jamais nié que Jean-Marc nécessitait une aide humaine 24 h sur 24.

Il fait également savoir que la possibilité de recourir à une aide 24h/24 a été validée par un décret du 25 octobre 2006.

Et pourtant, il a fallu attendre 6 ans pour que cette disposition légale soit appliquée par la MDPH !

Décision du Tribunal

Le jugement a été prononcé en audience publique le 13 juin 2013 sur Nantes.

Considérant l’article L. 146-8 du code de l’action sociale et des familles qui prévoit qu’une équipe pluridisciplinaire doit évaluer les besoins de compensation de la personne handicapée en se rendant sur les lieux de vie de la personne : que cette visite permet non seulement de prendre en compte l’état de santé de l’intéressé mais doit aussi être l’occasion de concertation, d’avis et de conseils pour mettre en place les mesures les plus adaptées à la situation de l’intéressé et de sa famille ;

Que spécialement dans le cas de la famille MULLER, le simple traitement « sur dossier » de la situation n’a pas été approprié à la situation ;

Que cette faute est à l’origine d’un préjudice qu’il convient de réparer.

Le Tribunal indique que la réalité de la nature et l’étendue des dommages matériels et moraux ne peut être contestée.

Le Tribunal dit que la MDPH de Vendée a commis une faute dans la prise en charge de Jean-Marc MULLER et met à la charge de la MDPH de Vendée la somme de 15 000 € en réparation du préjudice subi par Monsieur et Madame MULLER.

Le Tribunal condamne la MDPH à verser à Monsieur et Madame MULLER la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de la procédure.

Réaction de Nadine et Roland MULLER, les parents de Jean-Marc

« Nous sommes soulagés de voir la MDPH condamnée, mais cette décision nous procure un goût amer du fait qu’elle soit posthume à Jean-Marc. Cela nous donne encore plus de force, de volonté et de hargne à ce que la mémoire de notre fils soit respectée.

Nous souhaitons que cette décision soit un vecteur de changement au sein de la MDPH de Vendée, qu’elle contribue à ce que :

- cette dernière soit réorganisée de fond en comble,

- le traitement des demandes soit enfin effectué de manière normale,

- les décisions soient enfin prises conformément à la réglementation

- les recours amiables soient enfin reconnus et traités en tant que tel,

- les équipes pluridisciplinaires se déplacent enfin à la rencontre des demandeurs,

- un peu d’humanité soit enfin donnée à l’instruction de ce que ces fonctionnaires territoriaux considèrent aujourd’hui comme des dossiers administratifs.

Il nous reste en travers de la gorge la malhonnêteté du Directeur de la MDPH de Vendée de laisser entendre devant le tribunal qu’entre 2006 et 2011 nous semblions être heureux des décisions de la MDPH puisque nous n’avions pas entamé de procédure judiciaire à leur encontre. Son omission de parler des nombreux courriers de demande de procédure amiable en vue d’une nouvelle décision montre bien qu’il est le problème de cette administration. »

Jamais une conférence de presse, comme nous l’avons vécu ce matin, aura été aussi pesante. Comment peut-on décider de l’avenir d’une personne sans la voir ? Comment peut-on considérer les personnes comme des dossiers, des numéros ? Face au combat exemplaire de cette famille qui a fait preuve de force, de courage et de dignité, les responsables de cette situation devraient faire preuve d’éthique en tirant les conséquences sur ce qui deviendra « la jurisprudence Jean-Marc ».

 

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