La Roche-sur-Yon. Du désert aux Pays de la Loire, quand des mineurs cherchent à s'intégrer.

Publié le par Le blog de ma ville solidaire - La Roche-sur-Yon

 

On entend malheureusement souvent dans les médias nationaux du triste sort de ceux qui sur les côtes espagnoles ou italiennes viennent s’échouer clandestinement.

On les appelle MIE en langage administratif cela signifie « Mineurs Isolés Etrangers ». Beaucoup arrivaient à Bordeaux avant d’aller à Paris. Maintenant les départements se sont vu imposer de prendre en charge les mineurs. En Vendée on en compterait environ cinq.

Ils sont arrivés en France après avoir tout perdu, pour sauver leur vie. Nous avons rencontré deux jeunes dans cette situation, tous les deux mineurs. Ils seront majeurs en juillet pour l’un et en août pour l’autre. Oumar et Blanco n’ont pas hésité longtemps avant de répondre à nos questions. Leur français est impeccable et leur volonté de partage est belle, une leçon de vie que devraient découvrir leurs amis à la lecture de leur témoignage.

Blanco est né au Congo il y a dix-sept ans. Il est arrivé en France il y a tout juste un an jour pour jour. Il est orphelin et fils unique.  « Mes parents étaient un peu mal vus parce que toutes les familles ont cinq, six enfants voire plus, ça a créé des tensions entre les deux familles. »

Après la mort de sa mère, son père a refait sa vie. Alors qu’il allait travailler, il y a eu des affrontements entre les rebelles et l’armée en place, son père était parmi ceux qui avaient perdu la vie pendant ces échauffourées.

À ce moment-là, tout a basculé pour Blanco. « J’ai dû arrêter mes études. Au Congo les études sont payantes. J’étais en première. Ma seule motivation après ce drame était de continuer mes études. J’ai appris le français à l’école. Ma belle mère ne travaillait pas, elle ne pouvait donc pas financer mes études. Ma demi-sœur est tombée malade, elle a attrapé « mbasu ». À ce moment-là, on m’a pris pour un sorcier, ça a bouleversé ma vie. »

Un jour, un groupe de coulounas (criminels) l’a capturé. Ils lui ont bandé les yeux, battus et agressés à l’arme blanche.(stigmates encore visibles). Il a été au centre de santé qui l’a pris en charge.  « Ils m’ont menacé de mort, en me disant qu’ils allaient me jeter dans le fleuve et qu’il n’y aurait pas de trace. Le Congo est un pays corrompu, la police ne faisait rien. »

Quelques temps après sa belle sœur est décédée de la maladie. « Ensuite je ne pouvais plus rentrer à la maison. J’ai fui, car les coulounas allaient venir me tuer comme ils me prenaient pour le sorcier responsable de la maladie de sa demi-sœur. Je me suis donc sauvé et me suis retrouvé à la rue. »

Pour survivre, Blanco portait des gros sacs qu’achetaient les gens au marché. Avec l’argent gagné, il arrivait un peu à manger. Ce travail a eu des conséquences sur ses problèmes de dos, « les sacs étaient très lourds. »

Un jour, un ami pasteur de ses parents l’a pris en charge et lui a proposé de quitter le Congo ce qu’il a fait sans même savoir où il allait : il n’avait plus d’attaches. Ne sachant plus quoi faire, il l’a suivi. Le pasteur avait fait les démarches nécessaires pour se rendre en France. Blanco a appris sa destination deux jours avant le départ.

« Quand on est arrivés, j’ai compris qu’on était à Paris. » On a été hébergés dans une famille africaine pendant deux jours. Le pasteur devait continuer son voyage et c’est la famille qui l’a accueilli en le mettant en garde sur la vie qui l’attendait : « Les choses sont tellement ordonnées en France on va te faire faire des papiers, car ici si tu n’es pas enregistré tu ne pourras rien faire et donc pas continuer tes études. »

« Le 1er juillet 2013, le chef de famille de ma famille d’accueil m’emmène à la Préfecture de Bourges pour faire une demande de papier. Arrivé à Bourges, l’homme me propose d’aller prendre un verre avant d’aller faire les papiers. Pendant le pot, il m’a laissé en prétextant qu’il allait voir quelqu’un pour se renseigner et m’a laissé en plan dans le bar. Il n’est jamais revenu. J’en ai pleuré en me disant qu’on m’a fait quitter mon pays pour m’emmener en France pour que les choses aillent mieux pour moi et tout d’un coup, rien plus rien plus personne. Je n’avais ni adresse ni numéro de portable. J’ai certainement été victime d’un trafic quelconque. »

Blanco a erré dans les rues de Bourges seul, avant de rencontrer un passant qui m’a conduit au Secours Catholique et c’est là que tout a commencé. Ils ont appelé les structures et le jeune homme a été placé en famille d’accueil pendant 10 jours.

Le procureur de la République de Bourges a décidé que Blanco irait en Vendée le 11 juillet 2013 où il a  été placé deux mois ½ en famille d’accueil. Il n’y avait aucune communication dans la famille. « Une fois le chef de famille m’avait traité de nègre en discutant avec un de ses amis à l’occasion d’une visite au Château de Tiffauges. J’en avais les larmes aux yeux. » (…) « S’il me connaissait, il n’aurait jamais dit ça, car malgré tout ce que j’ai vécu au Congo, j’étais bien et je n’avais pas demandé à venir en France. Je n’étais pas bien dans cette famille d’accueil, je ne mangeais pas à ma faim. » C’est lors d’une visite médicale que le médecin s’est inquiété de sa perte de poids. Blanco lui a raconté ce qu’il vivait. Le médecin a appelé les services sociaux qui ont décidé de le placer dans un foyer de jeunes travailleurs de la Roche-sur-Yon.

Après plusieurs démarches, Blanco est enfin entré au lycée Pierre Mendès France, c’était son obsession de reprendre des études pour oublier tous les malheurs qu’il a endurés. Il commençait à souffler. « Je viens de passer en terminal, ce fut un réel soulagement qui couronnait mon travail. En terminal je serai en Sytèmes d’Information de Gestion. Je veux continuer mes études que j’apprécie beaucoup pour travailler dans le multimédia. »

Blanco veut rester en France car, au Congo, il serait à la rue et en danger de mort.

Oumar.
Oumar fêtera ses dix-huit ans en août. Il est originaire de Bamako la capitale du Mali. Il était le fils d’un  politicien faisant partie du parti au pouvoir. Il a eu l’occasion de faire « les grandes écoles ». Mais, après le renversement du pouvoir, son père a été assassiné. Sa mère a pris peur et a envoyé Oumar chez son oncle à Kidal (au nord du Mali) afin qu’il puisse continuer ses études là-bas. Il a une sœur, mais depuis les évènements de 2012, il n’a pas de nouvelles : il ne sait pas si elle est toujours vivante.

Trois mois après son arrivée, son oncle l’a informé du décès de ma mère. « J’ai repris l’école malgré un sentiment d’insécurité, car les milices occupaient le nord du Mali ».

Un jour, des militaires armés sont venus avec des camions dans son école avec une liste d’une centaine d’élèves dont ils connaissaient les parents engagés en politique. Oumar était de ceux-là. Ils ont été enlevés et amenés dans un camp de travaux forcés où le jeune homme est resté pendant trois mois.
« C’est pire qu’une prison, nous on n’avait pas de cellule, on dormait sous une tente sur des cartons avec un peu d’eau et un peu de pain comme repas quotidien. »

Les prisonniers allaient travailler dans le désert pour casser des cailloux et en extraire une matière qu’ils ne connaissaient pas.

Pour avoir à manger, c’est en fonction des rendements dans la carrière. Le matin à six heures les prisonniers sont amenés en camion dans le champ pour y travailler. Le soir on a droit à un peu de pain. Pour tenir le coup les militaires faisaient des injections ou on donnait des comprimés.

Le camp était entouré par des grillages avec des miradors. Le camp était dans le désert qui s’étend à perte de vue. « Tu ne sais même pas dans quelle partie du désert tu te trouves, tu n’arrives pas du tout à te situer. »

Il y a eu des morts dans le camp après des mois de fatigue et d’autres ont essayé de s’enfuir et ont été abattus. J’ai essayé de m’enfuir une fois et j’ai été rattrapé. On m’a marqué ensuite avec un genre de grille, dont j’ai toujours les marques. Après j’étais sous surveillance renforcée. Oumar me disait tout le temps : « soit je reste au camp pour mourir soit j’essaie de m’enfuir. Jusqu’au jour où j’ai pu m’évader à ma troisième tentative. Un jour, ils m’ont envoyé nettoyer les armes et j’ai pu profiter d’une relève des gardes pendant deux ou trois minutes pour m’enfuir par la porte qui servait à ravitailler le camp à coté du dépôt d’armes »

« J’ai couru de toutes mes forces pendant 40 min dans le désert sans savoir où aller. Je me suis dit que si je perdais la vie dans le désert au moins j’aurais essayé. » C’est alors que Oumar  rencontre un homme avec ses moutons. Là-bas les hommes qui vivent dans le désert sont des éleveurs.

Il l’a suivi dans son village où il a  pu manger et se reposer pendant 24 heures. Ensuite, il a erré de village en village sans savoir ou il était. « Je savais juste que j’étais dans le Nord du Mali. Et, sans le savoir je me suis retrouvé de l’autre côté de la frontière, en Algérie où j’ai rencontré un compatriote. Là je me suis dit que je n’avais pas le choix si je voulais vivre il ne fallait pas retourner au Mali pour être appréhender une nouvelle fois par les milices. »

Pendant deux semaines il a erré de village en village pour arriver jusqu’à Alger où il a travaillé pendant un mois. A Alger il y a une grande communauté malienne qui vit souvent sous les ponts ou  dans des maisons abandonnées.

« J’ai payé un passeur mille euros pour aller en Espagne sur un bateau de fortune. Le voyage a duré trois jours. Le passeur vous accompagne seulement au bateau et vous donne… une boussole. On était une vingtaine dans le bateau, deux sont tombés à l’eau, on n’a pas pu les rattraper… »

Le calvaire a duré trois jours pour arriver à destination. Après une marche de cinquante kilomètres, un camionneur a conduit les réfugiés à la Croix Rouge de Madrid. Le séjour de Oumar a duré un mois car, n’ayant aucune chance de pouvoir continuer ses études, il s’est dirigé vers la France grâce à un autre camionneur qui l’a conduit d’Espagne à Bordeaux pour cinquante euros.

« Le conseil général de Bordeaux, m’a envoyé en Vendée, car il y avait trop de mineurs isolés là-bas. Après un passage au CIO j’ai rejoint le lycée Branly pour continuer mes études de comptabilité. »

Conseiller Régional Jeune.

Grace à un contact au Foyer de Jeunes Travailleurs, Oumar s’est engagé comme Conseillé Régional Jeune. « J’ai rencontré d’autres jeunes des Pays-de-Loire. Cet engagement m’a donné l’impression d’être français c’est comme si je défendais les idées de la Vendée comme représentant yonnais à la Région. »

Avec son histoire, Oumar n’est même pas offusqué de voir une personne de Saint-Gilles-Croix-de-Vie se plaindre d’être obligée de passer par la Roche-sur-Yon pour aller à Nantes.

Oumar n’a pas la langue dans sa poche, il a le contact facile et apprend vite « ça m’aide beaucoup ». Les responsabilités ne le dérangent pas bien au contraire, il est également président du conseil de vie sociale du foyer afin d’améliorer le quotidien des résidents. 
 

Blanco a fait une demande d’asile auprès de l’Ofpra et Oumar a fait une demande de titre de séjour.

Un grand merci à ceux qui ont contribué à cette publication, ils se reconnaîtront et bien sûr à Blanco et Oumar que nous suivrons.

En savoir plus sur les Mineurs Isolés Etrangers : http://infomie.net

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