La Roche-sur-Yon. Entretien exclusif avec Luc Bouard.

Publié le par ma ville solidaire - La Roche-sur-Yon

Il a le tutoiement facile, trop d’après certains, plus qu’une posture, c’est sa nature. L’homme est jovial, il a le sens de la communication.
Un an et demi après son élection comme Maire de la Roche-sur-Yon, Luc Bouard, 54 ans, a répondu en toute simplicité à notre demande d’interview. Les sujets étaient très nombreux, nous avons du faire des choix : retour sur une victoire électorale, la solidarité, la maison de la santé, la liberté d’expression, le festival du rire…

Peu de gens donnaient la droite victorieuse à la Roche-sur-Yon, il y a un an et demi, et pourtant vous l’emportiez avec 1747 voix de différence avec le Maire sortant. Que vous reste-t-il de ce moment ?
Un immense moment de bonheur, de joie. Je crois que c’est l’émotion collective qui me restera le plus en mémoire. J’aurai toujours en tête le moment où je remonte la rue Joffre et j’arrive place Napoléon et là, je découvre la place qui est noire de monde. C’est un grand bonheur et en même temps je sens toute la responsabilité qui va peser sur mes épaules dans les années qui viennent.
Je ne suis pas sûr que ce soit la droite en tant que telle qui aie gagné. Je pense que c’est la fin d’un système et je pense que les Yonnais avaient besoin d’un homme nouveau.
Ce que mes opposants n’ont pas mesuré, c’est que, étant assureur, j’avais quatre mille clients dans la ville, quatre mille gens qui me connaissent avec un taux de fidélité qui est l’un des meilleurs de la région.
J’y ai toujours cru sinon je n’y serais pas allé. J’en avais l’intime conviction depuis début janvier parce que le porte à porte et les apéritifs citoyens que l’on faisait toutes les semaines allaient tous dans le même sens. J’en étais sûr depuis début mars.

Est-ce difficile d’être le premier magistrat d’une ville où on n’habite pas ?
J’y suis sans doute beaucoup plus qu’un certain nombre de Yonnais qui viennent dormir ici. Je dors ailleurs. J’ai fait mes études ici, ce qui n’était pas le cas de mes prédécesseurs. J’ai passé une grande partie de ma vie professionnelle ici. Quand j’étais agriculteur, j’étais à la Roche et j’y passais plusieurs fois par semaine. Cette ville ne m’a jamais lâché. L’habitation aurait tout à fait pu être sur la Roche. Elle s’est trouvée aux Clouzeaux avec un investissement récent qu’il n’était pas question de changer. J’ai toujours des locaux professionnels. Je paie des impôts sur la Roche depuis vingt cinq ans. J’ai absolument la sensation d’être Yonnais à 100% d’autant que cela reste sur l’agglomération.

L’ASSDAC a annoncé la création d’un garage solidaire. Quel va être le soutien de la Ville ?
Nous attendons le projet chiffré avec les objectifs et on s’inscrira dans le projet. Est-ce qu’on le fera financièrement ? sur quel montant ? en facilitant la vie aux gens en mettant à disposition des locaux, j’attends pour le travailler ensemble. Ce n’est pas la Ville qui porte le projet, mais j’ai pris l’engagement de l’accompagner, d’aller vers cette solidarité.

Le bus de plages n’existe plus. Pourquoi ?
Non. Cela avait été supprimé par mon prédécesseur. Ça m’a été demandé deux ou trois fois depuis. Pour l’instant on ne l’a pas refait cette année. C’est une interrogation que nous avons eue sur le plan global de déplacement mais ça n’a pas eu vraiment d’écho. Peut-être que ça peut faire l’objet d’une consultation.  La dernière fois si ça s’est arrêté c’est qu’il n’y avait plus grand monde.

On entend parfois beaucoup parler d’assistanat dans les médias. Quel est votre regard d’élu ?
L’assistanat politique peut être entendu comme une mauvaise chose. L’assistanat humain peut-être entendu comme une bonne chose. On a besoin que les gens participent et montrent de la bonne volonté pour recevoir des aides.
 
Dans la vie quand des personnes sont en difficulté, il est important que des gens les aident à s’en sortir mais il faut aussi avoir envie de s’en sortir.
L’assistanat est le moment où tu aides des personnes qui n’ont manifestement pas envie de s’en sortir. Ces gens-là, en fait, sont très peu nombreux. Mais il faut bien évidemment accompagner les personnes qui en ont besoin. Nul n’est à l’abri des accidents de la vie.

10% des Yonnais n’ont pas de suivi médical à cause de la désertification médicale. La Maison de la santé qui est en cours de construction à Forges interroge le secteur médical. Quelle est la position de la Ville ?
Ce projet date d’une quinzaine d’année. Il y a eu un  marasme  autour de ce projet où les médecins n’avaient pas d’interlocuteur. Quand je suis arrivé il y a un an et demi on a repris le projet qui avait avancé dans les six mois précédents. On a rencontré des médecins qui avaient conscience pour la ville et pour eux de l’intérêt du projet mais qui, et c’est le sujet, avaient beaucoup avancé en âge.
On est arrivé avec les médecins à bâtir un beau projet.
Récemment, le Conseil Départemental dont nous avons sollicité une participation, Le Conseil départemental demande en contrepartie de cette sollicitation une obligation de rester 5 ans sur la maison de la santé.
Le courrier rédigé amplifie l’engagement qui est plus un engagement moral que financier. Ce n’est pas un engagement financier c’est un engagement moral. Le courrier est certainement mal rédigé.
Je suis en discussion avec le conseil départemental pour modifier les choses. On va trouver une solution d’autant que le montant de l’aide (50 000 €) n’est pas assez significatif pour arrêter le projet.

Si la Maison de la santé accueille des médecins déjà installés en ne prenant pas de nouveaux patients, on ne résout pas le problème de désertification. Comment faire venir de jeunes nouveaux médecins ?
On commence à résoudre le problème quand les médecins sont tenus de prendre des stagiaires et d’attirer de nouveaux médecins. Ça résout quand même une partie du problème car on a des médecins qui sont dispersés un peu partout, en les rassemblant au même endroit, on facilite aussi les tâches annexes dans leurs services en mutations, on donne plus de temps de soins aux médecins.
La maison de la santé de Forges se fera. Une autre est prévue, rue Gaston Ramon à la place de l’ancien Pôle Emploi. Toutes les deux devraient être livrées fin 2016.
L’idée est de se dire que si on offre aux jeunes médecins le confort, technique et immobilier, pour venir s’installer à la Roche, ils viendront.
Je vais aller à la faculté de médecine de Nantes pour rencontrer les jeunes médecins pour leur expliquer qu’à côté de Nantes, il y a une ville formidable où on peut s’installer dans des locaux qui sont faits pour ça.

Vous allez faire le VRP ?
Exactement. Je vais faire le VRP pour ma ville. Je vais le faire dans les pays où sont partis se former des jeunes médecins à cause du numérus clausus, c'est-à-dire Belgique, Roumanie, Espagne dans les facultés de médecine et puis, comme on écarte rien, je vais aller ce mois-ci visiter un centre de soin à la Ferté Bernard, avec Anita Charrieau, qui fonctionne sous un modèle différent car ce sont des médecins salariés de la ville. Je ne veux écarter aucune solution, je veux mesurer cela.

Si j’étais jeune médecin que me diriez-vous pour me faire venir à la Roche ?
D’abord on a une patientèle qui vous attend, on a une ville attractive. Pour des gens qui arrivent d’un peu plus loin, on est vraiment dans l’endroit rêvé.

La Liberté d’expression.
Chacun a le devoir de dire ce qu’il pense dans la mesure où il respecte les autres. En conseil municipal, je sais que je réagis d’une manière un peu forte sur les propos de deux ou trois personnes, mais je n’admets pas que l’on fagocite le temps des uns et des autres pour exprimer toujours la même chose dans des propos d’une longueur qu’ils devraient estimer plus raisonnable.
Forcément tout le monde a le droit de s’exprimer, dans le respect des autres.

Localement, il vous est parfois reproché un tutoiement très rapide avec vos interlocuteurs.
Le tutoiement, ce n’est pas aussi naturel chez moi. Mais je trouve qu’il y a une certaine hypocrisie d’être dans la vie avec des gens par le fait de les tutoyer et de se trouver dans d’autres circonstances où on les vouvoie. Je trouve qu’il y a une hypocrisie à cela. Par exemple, quand je suis avec des commerçants, je ne vois pas pourquoi je les vouvoierais, ça fait 20 ans que je les tutoie.
On me reproche aussi d’embrasser les gens. Ma femme était étonnée parce qu’elle ne venait pas avec moi au Hockey sur glace. Elle est venue samedi dernier avec moi et elle me dit mais t’embrasse tout le monde. Je lui ai dit mais j’y peux rien, les gens m’embrassent…

Depuis que vous êtes Maire, c’est épanouissant ?
Ce que je fais est passionnant. C’est passionnant, c’est excitant, c’est épuisant, c’est éreintant, c’est exigeant.
La foultitude d’informations que je reçois, que j’analyse, que je transmets, que je bâtie avec mes équipes pour les actions, ça nourrit, c’est un vrai bonheur. Après, dans ce bonheur, comme chaque bonheur a sa contrepartie,  il y a des moments plus difficiles, il y a des décisions plus difficiles à prendre, que tu sais que tu dois prendre, il y a des moments de colère quand tu sais qu’il y a des choses qui ont été cachées pendant dix ans que tu découvres en soulevant un dossier et que je découvre qu’on a menti aux gens. Il y a des moments de colère quand je m’aperçois que ce que j’ai donné comme direction n’était pas tout à fait suivi parce que les gens n’ont pas une vision globale  des choses. Il y a des moments de frustration parce  que la machine n’avance pas à la vitesse que je voudrais qu’elle avance.
 Il y a des moments de pur bonheur. Ce que j’adore, c’est d’être avec les gens, dans la population, d’aller aux réunions publiques, d’aller rencontrer les gens même quand il y a des opposants.
Franchement, c’est des moments de pur bonheur, j’aime les gens et je crois qu’ils me le rendent. Ce que je ne supporte pas, c’est les gens qui refusent  l’échange simplement parce qu’ils ne sont pas d’accord.

Quelle est votre plus grande satisfaction ?
Peut-être dernièrement, c’est la Joséphine. De voir ces milliers de femmes qui se battent pour une cause, dans une totale émotion. Quand la présidente de la Ligue contre le cancer qui me prend dans ses bras en vous disant « merci Monsieur le Maire, parce qu’on existe depuis longtemps et il n’y a jamais rien eu de fait pour nous à la Roche-sur-Yon et vraiment je vous remercie », nous les pleures ça me touche toujours. C’est un grand moment et là on se dit qu’on a fait le job en unissant des gens autour d’une cause noble.
Un autre moment, c’est quand on a annoncé aux parents le projet de l’école du Pont Boileau, ils étaient soulagés qu’on ait prie la décision de la refaire. C’était la vraie première décision que je prenais.

Y aura-t-il une deuxième édition de la Joséphine en 2016 ?
Oui.

Un deuxième Festival du Rire ?
Je pense que le Festival du Rire on va le continuer mais plutôt sous une forme alternative. C'est-à-dire que cela ne sera pas tous les ans, mais tous les deux ans sous une formule qui peut être aménagée différemment. On a sans doute péché pour la première fois avec un investissement plus lourd que celui qu’on avait imaginé mais que je ne regrette pas au fond parce que c’est aussi beaucoup de gens qui sont venus de l’extérieur et, pour un certains nombre, ont découvert la Roche.
Oui la formule doit être différente, elle doit être améliorée, moins coûteuse et repensée.

Un regret ?
C’est le repas des personnes isolées qui se faisait une fois par mois au stade Desgranges. On avait constaté une chose : c’est que c’était toujours les mêmes personnes qui venaient autour de la table et donc on a voulu repenser la formule. On l’a sans doute pas bien fait et ça a été pris comme une volonté de supprimer ce rendez-vous. A partir d’une bonne idée, on se retrouve avec un effet complètement inverse. 

Dernière question, à un peu plus d’un mois de Noël qu’avez-vous demandé au Père Noël ?
Un peu de temps à passer avec ma famille. Généralement, comme je suis quelqu’un qui fait rarement les choses à moitié,  je suis à la mairie à 8 h et je rentre à la maison entre 22 h et minuit en fonction des activités. Cela laisse peut de temps à la vie de famille, j’ai un petit garçon qui a 11 ans j’ai une femme qui se plaint de temps en temps que la ville de la Roche-sur-Yon me prenne plus de temps qu’elle.


image : archive mavillesolidaire.

 

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